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20 septembre 2009 7 20 /09 /septembre /2009 23:30




Un puzzle virtuose


Catherine Cusset, dans son roman  Un brillant avenir , nous dessine le portrait d’Elena. Une jeune femme née en Bessarabie dans les années 1930, qui consacre sa vie à la conquête du bonheur. Après avoir reçu un diplôme d’ingénieur en physique nucléaire et s’être mariée à un jeune juif, malgré les réticences de sa famille, Elena ne rêve plus que de liberté. L’histoire se déroule des années 40 jusqu’à aujourd’hui. Bien que l’ordre chronologique ne soit pas respecté, le lecteur n’est jamais perdu. Au contraire, il se laisse promener dans un virtuose puzzle. Il voyage entre la Roumanie de Ceausescu, l’Israël qui est la terre promise de Jacob son mari, la France mais aussi et surtout les Etats-Unis, son eldorado. Dans cette bousculade des époques, le suspense est permanent. On dispose du début et de la fin. On veut avancer pour pouvoir rassembler les bouts du puzzle.

Un brillant avenir, est celui qu’Elena, devenue Helen en obtenant à quarante ans la nationalité américaine, veut offrir à son fils, Alexandru, après ses études à Harvard. Mais c’est sans compter sur l’arrivée de Marie, la fiancée française, à laquelle Helen voue, de prime abord, une haine sans limites. Puisque pour elle, Marie représente cette France « fermée et élitiste ». De plus, elle craint que la jeune femme emmène son fils de l’autre côté de l’Atlantique et brise ce brillant avenir, ce qui est pour Helen et Jacob impensable, après tous les sacrifices qu’ils ont faits : la fuite de la tyrannie, les angoisses de la guerre, les persécutions antisémites, la dureté de l’exil et enfin la jouissance de la liberté. Petit à petit, Helen et Marie s’apprivoisent, se comprennent et se surprennent à se trouver des points communs ; à commencer par leur amour pour Alexandru. L’auteur restitue ici avec brio cette danse qu’est le trio mère, fils, belle-fille. Au-delà du conflit entre la mère trop protectrice et la belle fille indomptable, c’est une submersion dans la volonté absolue d’être soi, de se rester fidèle, de se forger une identité qui ne craint aucune frontière.

Avec cette écriture simplifiée, l’auteur mène d’une main de maître le bouleversant destin de cette femme dont la vie devient de plus en plus dense à chaque épreuve traversée. On s’attache à Helen, elle qui est pourtant possessive, impérieuse et qui ne recule devant rien pour ce qu’elle croit être le bonheur de son fils unique. De ce roman, éclosent de superbes portraits de femmes. Elena-Helen, Marie (et aussi, Camille, la petite-fille), la grand-mère d’Elena, et la « fausse-vraie » mère, qu’Elena ne voudra plus jamais revoir.

Au final, pour sans doute, ne pas mourir de chagrin et faire face à la déchéance de Jacob, Elena se ment à elle-même. Elle s’invente des fatigues, pour fuir la réalité, se brûle des cigarettes pour enfumer un peu plus ses journées, se ferme sur elle-même pour oublier un peu les autres, ceux qu’elle redoute tant… Mais laisse, malgré tout son cœur s’épancher à la chaleur que lui apporte sa petite-fille. Ce roman, d’une extrême beauté, particulièrement vif et mélancolique puise sa force et sa singularité non dans la parole et la vérité mais dans le silence, presque à la lisière du mensonge et de la solitude. Quand le livre est terminé, Elena a laissé son empreinte dans votre univers.

 

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Ce blog est un espace de lecture, d'écriture, de création,
autour des romans ayant obtenu le Prix Goncourt des Lycéens ces dernières années.

Il est l'oeuvre des élèves de différentes classes de l'Académie de Rennes
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SYLVIE GERMAIN, Magnus
(Prix Goncourt des Lycéens 2005)



LEONORA MIANO, Contours du jour qui vient
(Prix Goncourt des Lycéens 2006)


PHILIPPE CLAUDEL,
Le rapport de Brodeck
(Prix Goncourt des Lycéens 2007)

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